Mathilde Gérard
Les étudiants mexicains, dont beaucoup voteront pour la première fois lors de la présidentielle du 1er juillet, n'entendent pas se laisser voler leur scrutin. Alors que les sondages prédisent une large victoire du candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), Enrique Peña Nieto, un mouvement spontané étudiant ébranle depuis une dizaine de jours les prévisions médiatiques et sondagières. Pour de nombreux jeunes Mexicains, M. Nieto symbolise les dérives autoritaires et clientélistes du PRI - le parti historique qui a gouverné le pays sans interruption de 1928 à 2000.
Leur opposition se manifeste par des rassemblements spontanés dans les grandes villes mexicaines, convoqués sur les réseaux sociaux et qui attirent une foule de plus en plus fournie. De nouvelles manifestations doivent se tenir mercredi 23 mai.
A l'origine de leur colère, la visite chahutée du candidat Peña Nieto à l'université Iberoamericana de Mexico, une université privée jésuite, le 11 mai. De nombreux étudiants, exaspérés par le discours évasif du candidat, lui reprochent alors sa gestion en tant que gouverneur de l'Etat de Mexico et une campagne électorale menée dans une bulle, sans meetings et sans rencontre directe avec la population mexicaine. Sous les huées et les cris "fuera, fuera" ("dehors, dehors") et "telecandidato-basura" ("télécandidat-poubelle"), Enrique Peña Nieto, incapable de poursuivre son discours, s'est vu contraint de quitter l'université à grandes foulées.
Après l'incident, le PRI a minimisé la portée des critiques à son encontre et a dénoncé l'infiltration de l'assemblée étudiante par un groupe de provocateurs. Le président du parti a même suggéré que certains agitateurs ont été "payés" par des partis d'opposition. Televisiva, la principale chaîne de télévision mexicaine, a diffusé un reportage relayant largement la version des faits par le PRI. Cette négation des préoccupations des jeunes Mexicains a provoqué la colère des étudiants de l'Iberoamericana, qui diffusent une vidéo dans laquelle 131 d'entre eux exhibent leur visage et leur carte d'étudiant, démentant les accusations de manipulation.
La vidéo a aussitôt été soutenue par des jeunes d'autres universités et un cri de ralliement lancé sur le Web : "Yo soy 132" ("Je suis 132"). Aux 131 visages de l'Iberoamericana s'ajoute un 132e visage, anonyme et collectif, celui de toute la communauté étudiante. Un site Internet a été créé et le mot-clé utilisé sur Twitter pour diffuser des informations sur le mouvement s'est hissé en quelques jours parmi les plus recherchés sur le réseau. Samedi 19 mai, une manifestation a rallié des dizaines de milliers d'étudiants, à proximité des locaux de Televisiva. Leur slogan : "Nous ne sommes pas un, nous ne sommes pas cent, comptez-nous bien."
Mercredi 23 mai en fin de journée, d'autres rassemblements ont été convoqués à Mexico, Puebla, Guadalajara, Querétaro... Trois mots d'ordre figurent dans l'appel lancé par "Yo soy 132" : un "vote informé", un "processus électoral transparent" et la "démocratisation des moyens de communication". Le mouvement impose un code de bonne conduite aux manifestants : pas d'insultes, d'actes de vandalisme ou de pancarte pour un parti politique. Les volontaires sont appelés à se rendre aux points de rassemblements munis de livres et de tubes de peinture !
UNE CAMPAGNE SORTIE DE SA LÉTHARGIE
S'ils se revendiquent apolitiques, les mots d'ordre de la mobilisation se rapprochent toutefois de ceux du candidat de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador (appelé communément "AMLO"), qui dénonce régulièrement la mainmise du PRI sur les médias et a qualifié les jeunes de "moteur du vrai changement". Crédité de 25 % des voix, selon les sondages, "AMLO" semble le candidat le plus à même de tirer profit du mouvement, même si "Yo soy 132" rejette toute récupération politique.
Les médias mexicains, directement critiqués par ceux qu'ils ont surnommés les "enojados" (les "mécontents"), ont relayé la mobilisation d'un point de vue essentiellement factuel. Mais la presse d'Amérique latine n'a pas manqué de saluer l'irruption de préoccupations politiques et sociales dans la campagne. Pour La Nacion, "Yo soy 132" a sorti les candidats à la présidentielle de leur "léthargie". "Les étudiants sont parvenus à animer une campagne aussi prévisible qu'ennuyeuse", écrit le quotidien argentin. Interrogé par El Pais, le sociologue et journaliste mexicain Jorge Zepeda applaudit le caractère novateur du mouvement. "Jusque-là, la classe moyenne [mexicaine] s'était essentiellement exprimée publiquement sur des causes universelles, comme la sécurité ou la paix." "Yo soy 132" a réussi à ramener les exigences démocratiques au cœur du débat public.
La portée du mouvement est cependant difficile à estimer. Les analystes doutent que les étudiants parviennent à fédérer au-delà de la classe moyenne urbaine mexicaine et à réellement infléchir le cours de la campagne. Tout dépendra si les principaux candidats à la présidentielle finissent par se positionner sur les thèmes mis en avant par les étudiants de "Yo soy 132" : la fin du clientélisme politique, l'indépendance des médias, le respect des contre-pouvoirs.
Les étudiants mexicains, dont beaucoup voteront pour la première fois lors de la présidentielle du 1er juillet, n'entendent pas se laisser voler leur scrutin. Alors que les sondages prédisent une large victoire du candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), Enrique Peña Nieto, un mouvement spontané étudiant ébranle depuis une dizaine de jours les prévisions médiatiques et sondagières. Pour de nombreux jeunes Mexicains, M. Nieto symbolise les dérives autoritaires et clientélistes du PRI - le parti historique qui a gouverné le pays sans interruption de 1928 à 2000.
Leur opposition se manifeste par des rassemblements spontanés dans les grandes villes mexicaines, convoqués sur les réseaux sociaux et qui attirent une foule de plus en plus fournie. De nouvelles manifestations doivent se tenir mercredi 23 mai.
A l'origine de leur colère, la visite chahutée du candidat Peña Nieto à l'université Iberoamericana de Mexico, une université privée jésuite, le 11 mai. De nombreux étudiants, exaspérés par le discours évasif du candidat, lui reprochent alors sa gestion en tant que gouverneur de l'Etat de Mexico et une campagne électorale menée dans une bulle, sans meetings et sans rencontre directe avec la population mexicaine. Sous les huées et les cris "fuera, fuera" ("dehors, dehors") et "telecandidato-basura" ("télécandidat-poubelle"), Enrique Peña Nieto, incapable de poursuivre son discours, s'est vu contraint de quitter l'université à grandes foulées.
Après l'incident, le PRI a minimisé la portée des critiques à son encontre et a dénoncé l'infiltration de l'assemblée étudiante par un groupe de provocateurs. Le président du parti a même suggéré que certains agitateurs ont été "payés" par des partis d'opposition. Televisiva, la principale chaîne de télévision mexicaine, a diffusé un reportage relayant largement la version des faits par le PRI. Cette négation des préoccupations des jeunes Mexicains a provoqué la colère des étudiants de l'Iberoamericana, qui diffusent une vidéo dans laquelle 131 d'entre eux exhibent leur visage et leur carte d'étudiant, démentant les accusations de manipulation.
La vidéo a aussitôt été soutenue par des jeunes d'autres universités et un cri de ralliement lancé sur le Web : "Yo soy 132" ("Je suis 132"). Aux 131 visages de l'Iberoamericana s'ajoute un 132e visage, anonyme et collectif, celui de toute la communauté étudiante. Un site Internet a été créé et le mot-clé utilisé sur Twitter pour diffuser des informations sur le mouvement s'est hissé en quelques jours parmi les plus recherchés sur le réseau. Samedi 19 mai, une manifestation a rallié des dizaines de milliers d'étudiants, à proximité des locaux de Televisiva. Leur slogan : "Nous ne sommes pas un, nous ne sommes pas cent, comptez-nous bien."
Mercredi 23 mai en fin de journée, d'autres rassemblements ont été convoqués à Mexico, Puebla, Guadalajara, Querétaro... Trois mots d'ordre figurent dans l'appel lancé par "Yo soy 132" : un "vote informé", un "processus électoral transparent" et la "démocratisation des moyens de communication". Le mouvement impose un code de bonne conduite aux manifestants : pas d'insultes, d'actes de vandalisme ou de pancarte pour un parti politique. Les volontaires sont appelés à se rendre aux points de rassemblements munis de livres et de tubes de peinture !
UNE CAMPAGNE SORTIE DE SA LÉTHARGIE
S'ils se revendiquent apolitiques, les mots d'ordre de la mobilisation se rapprochent toutefois de ceux du candidat de la gauche, Andrés Manuel Lopez Obrador (appelé communément "AMLO"), qui dénonce régulièrement la mainmise du PRI sur les médias et a qualifié les jeunes de "moteur du vrai changement". Crédité de 25 % des voix, selon les sondages, "AMLO" semble le candidat le plus à même de tirer profit du mouvement, même si "Yo soy 132" rejette toute récupération politique.
Les médias mexicains, directement critiqués par ceux qu'ils ont surnommés les "enojados" (les "mécontents"), ont relayé la mobilisation d'un point de vue essentiellement factuel. Mais la presse d'Amérique latine n'a pas manqué de saluer l'irruption de préoccupations politiques et sociales dans la campagne. Pour La Nacion, "Yo soy 132" a sorti les candidats à la présidentielle de leur "léthargie". "Les étudiants sont parvenus à animer une campagne aussi prévisible qu'ennuyeuse", écrit le quotidien argentin. Interrogé par El Pais, le sociologue et journaliste mexicain Jorge Zepeda applaudit le caractère novateur du mouvement. "Jusque-là, la classe moyenne [mexicaine] s'était essentiellement exprimée publiquement sur des causes universelles, comme la sécurité ou la paix." "Yo soy 132" a réussi à ramener les exigences démocratiques au cœur du débat public.
La portée du mouvement est cependant difficile à estimer. Les analystes doutent que les étudiants parviennent à fédérer au-delà de la classe moyenne urbaine mexicaine et à réellement infléchir le cours de la campagne. Tout dépendra si les principaux candidats à la présidentielle finissent par se positionner sur les thèmes mis en avant par les étudiants de "Yo soy 132" : la fin du clientélisme politique, l'indépendance des médias, le respect des contre-pouvoirs.
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